Minoru Mochizuki
Né à Shizuoka, Préfecture de Shizuoka, 1907
Fondateur du Yoseikan Aïki-Budo
dixième dan d'Aïkido, IMAF
septième dan de Judo
quatrième dan de Karate
Minoru Mochizuki était encore un enfant quand il commença son entraînement dans les arts martiaux, pratiquant à la foi le Judo et le Kendo. Ses progrès furent rapides et en 1925 il entra au Kodokan où il devint rapidement un champion de Judo de premier plan. Avec l'appui de Jigoro Kano, Mochizuki devint membre du Kobudo Kenkyukai, organisation constituée au sein du Kodokan pour l'étude des arts martiaux classiques. Il y pratiqua le Katori Shinto-ryu. Plus tard, en 1930, il fut envoyé par Maître Kano chez Morihei Ueshiba pour y étudier l'Aïkijujutsu. Il devint uchideshi au Kobukan Dojo puis dirigea pendant un certain temps son propre dojo à Shizuoka, à partir de novembre 1931.
Plus tard, Mochizuki passa huit ans en Mongolie. Il y étudia le Karate. En 1951, il alla en France enseigner le Judo et l'Aïkido et fut le premier qui enseigna cet art en Europe. Mochizuki est le créateur d'un système d'art martial composite appelé le Yoseikan Aïki-Budo, qui inclut des éléments de Judo, d'Aïkido, de Karate et de Kobudo. Il fut l'auteur, en 1978, d'un livre intitulé : Nihonden Jujutsu. Il reçut de la Fédération Internationale des Arts Martiaux un dixième dan et continue d 'enseigner dans son dojo privé de Shizuoka.
p. 117
Minoru Mochizuki : Kano Sensei et Ueshiba Sensei insistaient tous deux sur le fait que les arts martiaux ne devaient pas devenir des sortes de jeux...
Si l'Aikido et le Judo deviennent un jour partie intégrante du monde des sports, ils seront certainement détournés de leur fonction intiale et deviendront des sortes de jeux qui génèreront des vainqueurs et des vaincus, des forts et des faibles. Leur intérêt comme méthode de formation spirituelle et de développement harmonieux de la personnalité disparaîtra. Ce sera l'extinction des arts martiaux. C'est très satisfaisant de voir que les arts martiaux japonais s'étendent au monde entier mais il ne faut pas qu'ils soient pervertis par l'esprit de compétition et de jeu.
Ueshiba Sensei et Kano Sensei avaient en commun le concept de wa no seishin [esprit d'harmonie]. Cela impliquait un développement simultané de soi et de l'autre, vous et votre partenaire faisant ensemble des progrès. En matière de sports cependant, la situation est très différente. Il faut écraser son adversaire et apparaître comme le seul vainqueur. C'est le principe des sports de compétition et ça ne marchera jamais. Les temps ont changé et l'on entend couramment les gens se demander si les Américains ou les Russes (interview réalisée en 1982) vont gagner la course aux armements. De semblables bavardages risquent d'amener l'extinction de la race humaine. Cette mentalité compétitive risque de provoquer la fin du monde car elle ne tient aucun compte de l'esprit de coopération et de préservation de l'humanité. Les civilisations occidentales reçoivent un peu de cet esprit grâce à l'enseignement de leurs églises, mais ici au Japon, nous n'apprenons rien de semblable dans nos temples ou dans nos lieux de culte.
Les arts martiaux doivent lourdement insister sur le développement des qualités morales, surtout chez les jeunes... Dans les sports il n'y a aucune place pour les faibles et les incompétents. Personnellement, je souhaiterais plutôt voir certains sports se transformer en arts martiaux afin qu'ils s'intéressent un peu plus au développement spirituel et à la prévention de la délinquance. Ils devraient être aussi un peu plus concernés par le devenir des jeunes gens qui ne causent aucun problème à leurs parents et qui s'entendent bien avec leurs enfants. I1s pourraient aussi encourager les bonnes relations entre maris et femmes.
Si vous parlez d'amour alors il vous faut introduire le concept opposé de haine tandis que si nous parlons d'harmonie, nous introduisons aussi la notion de raison. L'amour est une émotion qui ne peut pas exister seule. Il doit être fermement soutenu par une étiquette correcte [reigi]. L'amour doit s'accompagner d'un comportement convenable. Un vieux proverbe dit: "Même entre les meilleurs amis, une étiquette correcte doit prévaloir." Même entre couples mariés c'est une nécessité. Cela commence par "bonjour" tous les matins. A notre époque, l'étiquette a cédé le pas aux émotions brutes. Les couples pensent que rien ne compte en dehors d'une bonne santé mais dans le monde réel ce n'est pas une façon de se comporter. Un vieux dicton japonais rappelle: "L'idéogramme 'personne' est fait de deux coups de pinceau qui sont mutuellement dépendants." Les êtres humains sont des animaux sociaux. Nous pouvons manger parce qu'il y a des fermiers. Sans eux nous serions obligés de cultiver les champs pour produire notre nourriture. En d'autres termes, nous devons nous entr'aider. Le concept de "seulement toi et moi" est incorrect. L'harmonie est un mariage de l'émotion avec la raison ; c'est sa nature. Les arts martiaux enseignent l'étiquette et la raison. Le moyen de diriger son esprit est aussi découvert grâce à ces disciplines. Dans les pays étrangers, ces valeurs étaient enseignées par les églises.
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133-134-135
Minoru Mochizuki : En ce moment j'écris beaucoup. Le Judo connaît un développement explosif mais de trop nombreuses personnes ont oublié Jigoro Kano. Ce faisant elles ont aussi oublié ce qu'il disait. Nous en sommes arrivés au point où certaines personnes affirment que si elles essayaient de suivre son précepte de "bien-être et bénéfices mutuels"** elles ne pourraient plus avoir l'efficacité nécessaire pour faire une compétition !..
(En Aïkido) il n'y a personne à notre époque qui vaille Ueshiba Sensei, et je connais beaucoup de monde. Jigoro Kano Sensei était lui-aussi un homme remarquable. Qu'ils aient pu prendre des formes classiques de jujutsu et de bujutsu et les modeler pour en faire des Voies chevaleresques, que leurs créations soient devenues des arts prospères, est un tribut à la merveilleuse philosophie de la "prospérité mutuelle". Ces deux Maîtres, Ueshiba Sensei et Kano Sensei sont, sans le moindre doute possible, les plus impressionnants des grands éducateurs de ce siècle. J'ai eu la chance de les avoir tous deux comme professeurs et cela suffit pour que je joigne les mains et que j'en remercie les kami. Je ne pourrai jamais les remercier suffisamment...
** Jitakyoei, expression favorite de Kano Sensei.
p. 140-141
p. 117, 133, 134, 135, 140, 141. retour
Extraits de :
Les Maîtres de l'Aïkido, élèves de Maître Ueshiba - période d'avant guerre, Interviews receuillies par Stanley A. Pranin, Editeur Guy Trédaniel.
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