DE L'EVOLUTION DU BUDO TRADITIONNEL VERS LE SPORT DE COMBAT IMPLICATIONS PAR RAPPORT AUX DEUX FORMES.
Il convient par ailleurs de préciser que les techniques d'Arts Martiaux existaient dès le début de notre civilisation. Au fur et à mesure du développement de celle-ci, elles se sont parallèlement élaborées tout en s'étendant progressivement à tous les pays. Par conséquent, il y avait alors peu de différence dans la forme de ces techniques dans quelque endroit du monde que ce soit. Mais ces mêmes techniques ont ensuite évolué, dans la plus grande partie du globe, dans le sens " sports de combat " (c'est-à-dire dissociation de l'ensemble des techniques de combat et mise au point d'une multitude d'études spécialisées dans une de ces formes de techniques ; exemples : boxe, judo, sabre...). Prenant sa source au Moyen-Orient, le sport de combat présente l'avantage de former un esprit libre à l'égard de toute tendance nouvelle, dans le cadre de la discipline à laquelle il s'applique. En revanche, ses inconvénients sont ceux de toute spécialisation, avec le danger de discrimination qu'il implique vis-à-vis des autres disciplines. L'Asie, pour sa part, résista à ce courant en gardant, parallèlement à la nouvelle tendance, la forme d'entraînement originelle (c'est-à-dire sans séparation entre les différents types de techniques). Mais ces conservateurs payaient le prix de leur fidélité à la tradition dans la mesure où le mode d'entraînement qu'elle préconise, se figeant dans une forme immuable, devient entrave à toute liberté d'investigation, d'expérimentation et de perfectionnement possible.
Personnellement, je pense néanmoins que le budo, considéré sous l'aspect de l'entraînement physique non dissocié qu'il propose, est plus complet que l'entraînement " sport ".
Ainsi, alors que la pratique des armes et de la lutte permettent d'exercer les muscles en traction (raccourcissement), coups de poings et coups de pieds entraînent un travail musculaire en extension (élongation).
En revanche, le sport de combat pratiqué en " exclusivité " privilégie généralement l'une de ces formes de travail musculaire au détriment de l'autre.
Toutefois, la notion de sport de combat est intéressante dans la mesure où elle permet à l'individu de s'exprimer, de dégager son style, d'interpréter et de développer les techniques existantes. En bref, elle offre une ouverture sur le progrès, par rapport au côté statique du budo traditionnel.
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PRINCIPE ET CARACTERISTIQUES DU YOSEIKAN BUDO
Ma démarche a donc consisté à tenter d'exploiter au mieux les points forts de chaque système.
Mon ambition est d'allier efficacité et santé, d'aider le pratiquant à acquérir son équilibre mental et à garder un esprit libre de tout préjugé.
Pour réunir tous ces avantages et faciliter dans un même temps l'étude de la méthode, j'ai pensé qu'il fallait trouver un système original et spécifique. C'est au cours de l'année 1970, je crois, que j'ai eu l'intuition de l'existence d'un lien entre les diverses techniques de combat. Elle m'est venue par la prise de conscience du fait que - sans un quelconque système de références - les Maîtres de Budo de l'époque des samouraïs n'auraient pu mener à bien la tâche de former des techniciens de combat accomplis.
Or, les samouraïs, classe issue d'un milieu cultivé, dispensaient à leurs enfants, en vue de leur destin de guerriers, une éducation extrêmement complète. En plus d'une formation intellectuelle et mentale approfondie, ils recevaient, à partir de l'âge de 7 ans, une formation corporelle qui se devait d'être la plus efficace possible.
Or, si l'on s'en réfère aux chroniques historiques de l'époque, on y découvre que les jeunes garçons participaient activement à toutes les batailles dès l'âge de 13 ou 14 ans. Plus étonnant encore le fait que nombre d'entre eux parvenaient néanmoins à un âge assez avancé. Il faut donc en déduire qu'ils maîtrisaient déjà parfaitement les techniques acquises, correspondant à toutes les formes de combat. Et celles-ci étaient nombreuses puisqu'il fallait connaître le maniement de la lance et celui de l'arc pour les combats à cheval ; celui du sabre, du poignard, du bâton pour les affrontements directs ; les techniques de projection, les clefs, les atémis (coups de poings et coups de pieds) pour les luttes en corps à corps. Cet apprentissage, qui devait s'effectuer sur un très petit nombre d'années (6 à 7 maximum) était mené sur la base de deux à trois heures d'entraînement quotidien, le reste du temps étant consacré à l'étude.
Considérant la façon dont les différentes techniques sont enseignées à l'heure actuelle, une telle performance semble irréalisable. En effet, si l'on considère que 3 ans au moins sont nécessaires pour l'accession à un niveau acceptable, que ce soit en kendo (combat au sabre de bambou), iaido (sabre réel), judo, karaté, aikido (combat basé sur des attaques au niveau des articulations principalement, et des esquives circulaires) ou kyudo (tir à l'arc japonais) sans même parler de la maîtrise du naginata (long manche terminé par un couteau recourbé à tranchant unique) ou du bô (baton long), nous en arrivons déjà au chiffre décourageant de... 18 années !
Il restait donc à supposer, comme je l'ai fait, que ces diverses techniques étaient reliées entre elles par un même fil directeur, ou constituaient en quelque sorte les nombreuses branches d'un même tronc.
Telle était la réponse à mon problème, et c'est avec la tradition de ce tronc commun que renoue finalement le Yoseikan Budo, de la façon que je vais démontrer.
Le Yoseikan Budo met l'accent sur la relation directe, la correspondance qui existe entre toutes les techniques.
Ainsi, l'utilisation d'un très petit nombre de mouvements de base engendre une efficacité décuplée grâce au système de références sur lequel se fonde la méthode. Plus concrètement, je dirai que chaque technique particulière du coup de poing, par exemple, correspond tant à une technique d'armes qu'à une projection ou à une clef. Autrement dit encore, l'étude d'une seule de ces formes de mouvement (par exemple technique de coup de poing) dispense de l'étude des autres, puisque chaque forme renvoie à une application différente. Par conséquent, le pratiquant qui aura étudié une technique de coup de poing pourra déterminer lui-même avec un minimum de réflexion la technique d'armes, de projection ou de clef qui en est le pendant. L'étude se trouve donc très largement simplifiée, et le temps de travail réduit dans les mêmes proportions.
Le Yoseikan Budo prend appui sur des mouvements naturels et logiques qui englobent toutes les façons d'envoyer la puissance au moyen d'ondes de choc émanant des hanches.
Trois de ces mouvements (horizontal, vertical, oblique) suffisent à appréhender tous les Arts Martiaux, à l'exception du Kyudo (tir à l'arc). Cette onde de choc, clé de voûte du Yoseikan Budo, se déplace des hanches, centre de force vitale, aux membres. L'envoi de l'onde de choc synchronisé avec le mouvement du bras ou celui de la jambe permet de transmettre la puissance sans qu'intervienne la force musculaire.
Lors de l'approche de cette technique, la transmission de l'onde de choc au bras ou à la jambe sera décomposée dans un premier temps en un mouvement pareil à celui d'une vague. A un stade plus avancé, le mouvement deviendra à la fois plus court et plus sec, pour n'être plus qu'une vibration. Cette vibration sera utilisée par le bras ou la jambe telle l'impulsion qui donne le coup d'envoi à la lanière d'un fouet, le bras ou la jambe étant cette lanière.
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LE YOSEIKAN BUDO PAR RAPPORT AUX DIVERSES APPLICATIONS D'ACTIVITES CORPORELLES
Ce système, en réalité, ne se trouve nullement limité à la pratique des Arts Martiaux. Ainsi, en regardant autour de soi, on s'aperçoit qu'il est utilisé couramment, bien que souvent inconsciemment, dans un grand nombre d'activités physiques. Cela se justifie aisément par l'importante économie d'énergie réalisée de cette façon. Le bûcheron se servant de sa hache, le paysan fauchant son champ, l'ouvrier creusant à la pelle ou à la pioche, le lanceur de poids ou de javelot, le footballeur, le joueur de tennis ou de golf, tous utilisent donc également ce mouvement de hanche, cette même impulsion.
Le Yoseikan Budo use d'une démarche diamétralement opposée à celle de toutes les autres méthodes. Ainsi, pour reprendre l'image de l'arbre, je dirai que les multiples styles en constituent les feuilles. Ces feuilles peuvent être de couleurs, de formes ou de dimensions légèrement différentes, mais se rattachent en tous cas chacune à une branche - ou discipline. Chacune de celle-ci, à son tour, est issue du tronc qui l'a engendrée.
Les pratiquants commettent à mon avis une erreur en commençant leur étude par les " feuilles ". Cette façon de procéder représente une énorme perte de temps, et par conséquent d'efficacité, sans même tenir compte du critère de logique. Par contre, l'étude du " tronc " effectuée en premier lieu permettra ultérieurement au pratiquant qui le désirera de se " spécialiser ". Il pourra alors se consacrer à la " branche " qui correspondra le mieux à sa personnalité propre, sur la base d'une formation technique solide et complète.
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Extraits de :
Le Yoseikan
Budo, par Maître Hiroo Mochizuki et Gabriel Michaud, Editeur Sedirep.
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