... Tsunetomo (Yamamoto). Bien que Tsunetomo (...) ait demandé (à Tashiro Tsuramoto) de réduire les volumes originaux en cendres, ou peut-être à cause de cela, le Hagakure fut recopié et circula, dès la fin de 1716, parmi les jeunes vassaux les plus aguerris du fief de Saga (7). Et encore aujourd'hui, les mots résonnent dans la conscience des jeunes japonais par leur vigueur indomptable. Tsunetomo mourut trois ans plus tard, à l'âge de soixante et un ans.
Le fief du clan Nabeshima était situé dans l'île de Kyûshû, à la pointe sud du Japon, et appartenait à la catégorie appelée Tozama, un terme qui s'appliquait aux seigneurs qui avaient fait allégeance à Tokugawa Ieyasu après la bataille décisive de Sekigahara en 1600. Ce fut cette bataille qui éleva Ieyasu au-dessus des autres seigneurs et lui permit d'asseoir le pouvoir des Tokugawa sur tous les fiefs pendant les deux cent cinquante années qui suivirent. A la bataille de Sekigahara, le fondateur du clan, Nabeshima Naoshige (1538-1618), qui s'était trouvé à l'origine aux côtés des Tokugawa, choisit, dès que les premiers combats furent engagés, de soutenir ses anciens maîtres, les Toyotomi. Cette erreur lui fut presque fatale et valut aux trois générations qui lui succédèrent des relations tendues avec les Tokugawa.
Naoshige était un homme actif à l'esprit vigoureux. Tsunetomo lui consacre un volume entier de son Hagakure, relatant ses faits et gestes et rapportant ses paroles. Après avoir pris le contrôle du fief à la mort de son seigneur, Ryûzôji Takanobu, il prit une part active dans les différentes campagnes d'invasion de la Corée, s'illustrant au service de Toyotomi Hideyoshi. Il mourut à l'âge de quatre-vingt-un ans.
Son fils et successeur, Nabeshima Katsushige (1580-1657), auquel la plus grande partie ; du Hagakure est consacrée, semble avoir hérité de son père un caractère bien trempé. Dès l'âge de dix-huit ans, en 1597, il accompagna ce dernier dans la deuxième campagne de Corée. Ce fut Katsushige qui conduisit les troupes de son père à la bataille de Sekigahara et qui fit les frais de brimades incessantes de la part du bakufu, le pouvoir central. Il était également à la tête des quelque trente-quatre mille hommes du clan lors du siège du château de Hara, pendant la rébellion de Shimabara (1637-1638), ce qui lui valut d'être puni par le bakufu pour avoir ordonné à ses troupes de charger le château rebelle avant l'attaque officielle. Son fils, Tadashige, mourut de la variole à l'âge de vingt-trois ans, et lorsque Katsushige mourut à soixante-dix-huit ans, le fief passa entre les mains de son petit-fils, Nabeshima Mitsushige (1632-1700).
Lorsque Mitsushige devint seigneur du clan Nabeshima, les conditions de vie avaient radicalement changé dans tout le Japon. La période du pays en guerre, qui avait duré plus de cent ans, avait pris fin avec la bataille de Sekigahara en 1600 et l'avènement du régime Tokugawa. En 1638, l'écrasement de la rébellion de Shimabara mit définitivement fin à toute forme de conflits armés. La paix retrouvée s'accompagna d'une nouvelle prospérité qui favorisa le développement de la classe des marchands et l'expansion des bourgs rattachés aux châteaux des différents fiefs. Mais la paix et la prospérité retrouvées marquèrent le commencement du déclin de la classe des samouraïs. En l'absence de guerre, le guerrier avait perdu son emploi et l'idéal spartiate, si longtemps associé à cette classe, perdit progressivement son sens. De plus, les seigneurs féodaux avaient maintenant davantage besoin d'administrateurs compétents que de guerriers farouches. La réponse du shôgunat qui, de part la structure sociale existante, ne tarda pas à se répandre jusqu'aux confins des domaines féodaux, fut de mettre en avant l'idéal confucéen de l'homme complet, à la fois guerrier et érudit. C'est cet idéal qui devait progressivement imprégner la classe des samouraïs jusqu'à sa dissolution officielle deux siècles et demi plus tard.
Mitsushige était un homme très différent de son grand-père Katsushige et de son arrière-grand-père Naoshige. Bien que sa condition de seigneur du clan lui ait conféré le titre de commandant en chef des armées, il n'avait que quatre ans à l'époque de la révolte de Shimabara et il ne prit jamais part à la moindre opération militaire, comme l'avaient fait avant lui Naoshige et Katsushige. Il partageait l'intérêt général pour tout ce qui avait trait à la culture. Et, si son grand-père avait brûlé tous ses livres de poésie lorsqu'il n'était encore qu'un enfant, cette discipline continua à le passionner, Mitsushige encourageant même ses samouraïs à l'étudier. L'ordonnance shôgunale de 1635, qui obligeait la femme et les enfants des seigneurs à séjourner dans la capitale Edo, lui valut une éducation beaucoup plus cosmopolite que s'il était demeuré dans la région rurale, peu évoluée, de Saga. Cependant, Mitsushige démontra des qualités d"administrateur qui lui permirent de consolider les fondations du clan Nabeshima...
7. Le Hagakure a été popularisé sous le nom de Nabeshima Rongo (Analectes du fief Nabeshima) par opposition aux analectes de Confucius.
(pages 13, 14, 15)
Extraits de :
HAGAKURE, Ecrits sur la Voie du samouraï, par Yamamoto Tsunetomo,
Textes réunis et traduits par Josette Nickels-Grolier, Budo Editions.
notes diverses sur le clan Nabeshima
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