Aperçu de l'histoire du Japon de 1051 à 1639


Heian (794-1185)
La splendeur (en Chine, la fin des Tang)
Fujiwara (969-1068)
Le Genji monogatari, Sesshô, Kanpaku

Insei (XIe-XIIIe siècles)
Les domaines, gouvernement des empereurs retirés

LE MONDE DES GUERRIERS

Genpei no tatakai (1159-1185)
La guerre entre les Minamoto et les Taira, Heike monogatari

Kamakura (1185-1333)
Les guerriers, le bakufu, le nouveau bouddhisme

Muromachi (1336-1573)
Guerriers et aristocrates.

Nanbokuchô / Les cours du nord et du sud (1337-1392)
La légitimité en question

Ônin no ran Ônin-Bunmei no ran
Les troubles des ères Ônin et Bunmei (1467-1477)

... le japon va entrer dans une longue période de guerres...

Le mouvement d'autonomisation des guerriers provinciaux se renforçant, le bakufu vit son contrôle sur eux devenir de plus en plus formel. Quand le dernier shôgun de la famille Ashikaga fut chassé de Kyôto par Oda Nobunaga, il n'exerçait plus guère de pouvoir en dehors de la capitale. Le basculement s'était fait à l'issue d'une des plus longues et profondes crises de l'histoire du Japon, les troubles de l'ère Ônin. Pour une question de succession dans la maison shôgunale, deux partis s'affrontèrent dans la capitale, réduisant celle-ci en cendres, et le pouvoir des shôguns à presque rien.

Sengoku / les provinces en guerre (XVe-XVIe siècles)
Guerre et bouillonnement culturel, élégance de la guerre

S'ouvre alors une période en apparence de chaos. L'historiographie japonaise a utilisé pour la nommer une des périodes de l'histoire chinoise marquée par la confusion, les Royaumes combattants, qui précéda la réunification et la création de l'empire. Pour éviter toute confusion, on a pris l'habitude de traduire le même terme par les Provinces en guerre dans le cas du japon.
Nominalement, il y a toujours un empereur, même si l'on dit qu'il fut parfois obligé de vendre ses calligraphies pour survivre; il y a toujours un shôgun qui ne gouverne plus que ses vassaux directs.
En réalité, le Japon n'a plus de pouvoir central. Il se trouve divisé en principautés autonomes qui se font la guerre. Les seigneurs, daimyô, gouvernent leur domaine sans aucun contrôle si ce n'est celui de leurs voisins qui peuvent les envahir ou de leurs paysans qui peuvent se révolter. Les Portugais, à leur arrivée, les qualifieront de rois.
Cette période de guerres incessantes entre les principautés, signe de l'effondrement du pouvoir central, ne fut pas une période de régression dans les autres domaines. Sans parler de l'art de la guerre qui ne fut jamais autant pratiqué, l'architecture créa les premiers véritables châteaux de l'histoire japonaise. Ces châteaux ne furent pas de simples forteresses ; demeures du seigneur, ils devaient montrer la puissance et la richesse de celui-ci. D'où la hauteur des donjons et le soin de la décoration. Ils étaient le lieu de somptueuses fêtes où la dégustation du thé s'accompagnait de l'étalage des plus beaux objets, prix des concours de dégustation. L'élégance et le luxe ne sont pas absents des champs de bataille. Les grands guerriers vont au combat dans des armures magnifiques couvertes de manteaux de feutre à larges motifs, la tête protégée par des casques aux formes fantastiques, tête d'ours, carpe, coquillage, etc.
L'écroulement des deux garants des lois, la cour et le bakafu, rendit nécessaire une activité législative au sein des principautés qui accrurent ainsi leur particularité. Un grand nombre des fiefs de l'époque d'Edo, et des familles qui les gouvernent, sont issus de ces principautés de l'époque des Provinces en guerre. Celle-ci nécessitant de plus en plus de moyens, les échanges s'accroissent entre provinces et avec le continent. Une économie monétaire commence à se mettre à place à l'aide de numéraire chinois. Les marchands, au service des seigneurs ou réunis en communauté autonome comme à Sakai, émergent en tant que classe sociale.
Ce monde de rivalité est ouvert à toutes les nouveautés, à toutes les diversités. Pour un daimyô comme Uesugi Kenshin, qui s'était fait moine et combattait sous la bannière de Bishamonten, divinité bouddhique, on en trouve d'autres qui n'hésitèrent pas à brûler les monastères et les moines qui s'y trouvaient. Des communautés paysannes se révoltent contre leur seigneur et s'organisent en principautés religieuses sous la protection du bouddha Amida. C'est dans ce pays en pleine effervescence qu'arrivent les Portugais avec le christianisme et le mousquet. Le premier est d'abord perçu comme une variante du bouddhisme. Le second est rapidement adopté. Les forgerons japonais, qui forgeaient de si bons sabres, surent façonner d'excellents mousquets. Ceux-ci furent immédiatement utilisés, et c'est leur maîtrise qui assura la victoire.

Azuchi-Momoyama (1573-1598)
La réunification et le début des Temps modernes

L'équilibre entre les principautés était fort instable. Les plus petits daimyô devaient s'allier à de grandes principautés qui s'affrontèrent pour l'hégémonie. La réunification politique du Japon se fit en trois étapes, par les trois grandes figures de la fin du XVIe siècle, Oda Nobunaga, Toyotomi Hideyoshi, Tokugawa Ieyasu. Par une série de campagnes et d'alliances, ils finirent par devenir plus puissants que n'importe quel autre daimyô. Oda Nobunaga, mort assassiné, n'eut pas le temps de se donner un titre correspondant à sa puissance. Toyotomi Hideyoshi choisit, lui qui était issu de la dernière catégorie des guerriers, de se parer des titres de l'aristocratie de cour. Le dernier ne pouvait suivre la même voie. Il tira argument d'une lointaine parenté avec les Minamoto et restaura à son profit le titre de Sei.i taishôgun et fonda le bakafu d'Edo.
Cette période, qui vit les dernières grandes batailles du Japon pré-moderne, ne fut pas seulement une époque de réunification politique. Elle s'accompagna d'une réorganisation complète de la société. Le religieux perdit son autonomie. Les communautés amidistes durent rentrer dans le rang. Les grands monastères et les principales écoles furent obligés de rendre des comptes à l'administration. La coupure entre les guerriers et les autres catégories sociales tendit à se durcir. Toyotomi Hideyoshi avait lancé une " chasse aux sabres " auprès des paysans-guerriers pour les ramener à leur statut de paysan. Le même Toyotomi entreprit un recensement et un cadastre systématique des terres cultivées pour mieux asseoir l'impôt. C'est encore lui qui rétablit le monnayage japonais en frappant de la monnaie d'or. Il veilla à contrôler directement les mines et les grands ports. Pourtant ni lui ni son successeur ne songèrent à supprimer les principautés, cadre " naturel " des guerriers. Pour des raisons complexes, aspiration à la conquête de la Chine, exutoire aux guerriers, soif de butin, il lança deux campagnes en Corée, dont la dernière fut interrompue par sa mort.
Les châteaux qui ont servi de siège à ces hégémons, Azuchi, Momoyama, mais aussi Ôsaka, Edo, ont tous disparu. Il n'en reste que le souvenir ébloui des contemporains : jamais on n'avait construit aussi haut, aussi grand, aussi beau. C'est en contre-point de ce luxe que s'épanouit l'art austère et raffiné du Wabi cha, du thé dépouillé, art auquel les riches commerçants apportèrent une contribution décisive. Les maîtres de thé, avec les poètes de waka, les moines érudits et les médecins, faisaient partie de l'entourage des seigneurs, jouant parfois le rôle de conseillers intimes à côté des guerriers.

Edo (1603-1868)
Des guerriers sans guerre, des lettrés sans examen, des marchants sans reconnaissance, des villes en expansion dans un pays agricole

Si, par beaucoup d'aspects, on peut considérer que le Japon entre alors dans les Temps modernes, le système social qui s'installe restera dominé par les guerriers jusqu'à la restauration de Meiji et même au-delà. Mais, et c'est un des aspects le plus souvent souligné, l'époque d'Edo fut une longue période de paix sous un gouvernement de guerriers ! Elle fait contraste avec les périodes précédentes dominées par des guerres incessantes et avec l'époque moderne marquée par les guerres sino-japonaise (1894-1895) et russo-japonaise (1904-1905), sans parler de la guerre de 15 ans (1931-1945).
Cet équilibre fut acquis assez rapidement. En 1600, la grande et sanglante bataille de Sekigahara, qui opposa les anciens vassaux de Toyotomi Hideyoshi, permit à Tokugawa Ieyasu d'asseoir sa domination. Celle-ci fut parachevée par la prise du château d'Ôsaka en 1615, qui résolut de façon définitive l'héritage de Toyotomi : toute sa famille et ses proches furent exécutés, ses ultimes vassaux dispersés. La dernière campagne d'importance fut celle menée contre des paysans chrétiens encadrés de samurais en rupture de ban, à Shimabara, dans le nord de Kyûshû, en 1637 et 1638.
Pourtant cela ne signifie pas que cette paix fut totale et bénéfique pour tous. Au sud, le fief de Satsuma s'empara des Ryûkyû et établit une tutelle sur ce royaume qui subsista formellement jusqu'en Meiji. Au nord, le fief de Matsumae prit possession peu à peu des terres des Aïnu qui ne purent se relever de l'échec de la grande révolte de Kunashir en 1789. A l'intérieur, si aucun fief ne songea à se révolter, les soulèvements paysans, mais aussi urbains, se succédèrent tout le long de la période. Ils furent tous réprimés avec sévérité, même si le pouvoir acceptait après coup certaines revendications. A aucun moment ils ne mirent en danger le système...

(p. 36-43)


Repères chronologiques Histoire du Japon


Extraits de :
LE JAPON D'EDO, par François & Mieko Macé,
Guide Belles Lettres des Civilisations, Société d'édition Les Belles Lettres.


Hagakure : le clan Nabeshima